Objectifs
Objectifs
•rassembler et synthétiser les connaissances objectives sur le pont Saint-Bénézet pour lequel la légende a pendant longtemps pris exagérément le pas sur les constatations archéologiques ou architecturales à de rares exceptions près (Labande 1910, Lasalle 1970, Rouquette 1974, Breton 1986-1987…) afin de permettre, d’une part, de conduire les relevés de façon pertinente et, d’autre part, de proposer des restitutions crédibles ;
•évaluer les conséquences hydromorphologiques des variations climatiques à l’échelle du dernier millénaire et établir les relations avec les possibilités de construction du pont, puis de sa fragilisation et de son écroulement. L’un des buts majeurs de ce projet et de confronter les difficultés de gestion techniques et d’administration politiques et économiques de l’ouvrage par rapport aux « forçages » naturels ;
•montrer les implications de l’évolution spatio-temporelle du chenal sur les transformations des milieux riverains, en termes de paysages, de potentialités d’occupation, de mise en valeur des sols et du fleuve lui-même, et de risque urbain.
L’approche, nécessairement pluri-disciplinaire, permettra de répondre à ces différentes questions qui n’ont jamais été réellement abordées simultanément par des spécialistes d’architecture, d’histoire et de géomorphologie (paléo-environnements).
Avancées scientifiques
En ce qui concerne l’évolution du paysage fluvial sur un demi-millénaire environ permettant de comprendre et faire comprendre le pont, une étude exploratoire préalable au projet montre que ce type d’approche géo-historique d’un ouvrage de traversée a été rarement abordée sur un grand fleuve, dans un contexte politique et hydro-climatique aussi complexe. Ce champ d’étude confère au projet une ambition et une forte originalité. Il justifie la composition du consortium scientifique constitué pour mener à bien le projet.
L’étude devra mettre en évidence les effets des changements climatiques (de l’Optimum médiéval au Petit Âge Glaciaire) sur l’évolution du paysage fluvial, la variabilité induite de l’aléa inondation et la gestion du risque par les sociétés riveraines sur un demi-millénaire environ. Il mettra aussi en évidence l’impact des conditions politiques et économiques sur les transformations du pont et ses abords.
Ce type de recherches connaît un essor important actuellement (Benito et al., 2002), mais aucune ne porte sur la relation environnement/ouvrages, d’où l’originalité de la question du Pont d’Avignon.
Verrous scientifiques et techniques
Pour être transférable à d’autres sites, l’étude devra faire la part de l’originalité du site, situé dans un rétrécissement structural, à l’aval d’un grand bassin, en particulier d’affluents méditerranéens très actifs, sur un site de confluence avec un puissant organisme oro-méditerranéen. Ces conditions amplifient naturellement la difficulté à écouler les sédiments et l’impact local de la crise du Petit Âge Glaciaire. L’originalité des organisations sociales et politiques qui soutiennent la construction et l’entretien du pont n’est pas moindre.
Le secteur d’étude concerné (50 km2 environ) et le niveau de détail visé pour supporter, au terme de la recherche, une visualisation réaliste dans une maquette 3D navigable en temps réel nécessitera un important travail sur la géomorphologie du chenal, mais aussi sur tous les composants du paysage, aménagé ou non : terrain naturel, végétation, constructions, voies et chemins, cultures, etc. et leur évolution dans le temps. Le projet s’appuiera sur un géoréférencement systématique des informations, y compris la spatialisation des données historiques en faisant appel aux systèmes d’informations géographiques (SIG). L’un des objectifs est également de pouvoir géoréférencer les documents cartographiques élaborés avant la première moitié du XIXe siècle, car les imprécisions sont nombreuses et l’écart avec la situation actuelle est considérable du fait des bouleversements des paysages induits par les travaux de la Compagnie Nationale du Rhône entre 1935 et 1985. Le SIG pourra permettre, grâce à une sélection de points d’amer (bâtiments remarquables, etc), de replacer dans un même référentiel cartographique les données hydrologiques, paysagères, archéologiques et les architecturales.
La restitution des paléo-environnements nécessite d’associer les disciplines suivantes : la géomorphologie pour l’étude des formes fluviales (les carottages sédimentaires seront nécessaires pour la restitution des dépôts d’inondation), la géophysique pour la tomographie électrique, la bio-pédologie pour l’étude de la faune et des sols caractéristiques des états successifs de l’environnement.
L’étude du pont de Saint-Bénézet reposera donc sur une collaboration étroite entre environnementalistes, historiens, archéologues et architectes pour analyser les relations entre l’ouvrage, les contraintes fluviales et les conditions du développement économique, social et politique pendant huit siècles. Elle impliquera la construction de passerelle et d’espaces d’échanges permanents entre les différentes disciplines, à partir de bases documentaires spécifiques qui nourriront le projet central de reconstitution du monument.